... et j’étais très loin de trouver la réponse.
Avec Anne-Sophie, il ne faut pas chercher midi à quatorze heures : C’est forcément technique. Il y a forcément une explication logique. D’abord, comme tout scientifique qui se respecte, je me devais de réitérer l’expérience pour voir si les mêmes causes produisent les même effets. Aucun doute à avoir sur ce point. A chaque orgasme, Anne-Sophie me plantait ses ongles dans la peau et me susurrait à l’oreille une suite différente de chiffre. Mais une fois, j’ai eu l’idée de coller un dictaphone sous l’oreiller afin de percer définitivement le mystère.
« 22,25 + 2,34 à 24,32 6,35 – 0,36... »
Cela ne voulait rien dire, j’essayai de décoder façon une lettre équivalant à un chiffre : A égal 1, B égal 2, etc. Rien n’y faisait. Mais j’étais persuadé d’une chose : cela avait une importance capitale pour elle. Notre relation entrait dans une intensité non atteinte auparavant, et je savais que si je lui posais la question directement, je perdrais de la crédibilité à ses yeux. Je me devais de trouver la réponse seul. Et puis un jour...
Je dégoulinais littéralement de mon « Combi » canapé/lit/baisodrome, emmitouflé dans une mollesse bienheureuse, la marque de l’oreiller en travers de la joue et la bave coulant à la commissures de mes lèvres, à deux doigts de la mort cérébrale du téléspectateur qui regarde la publicité sur TF1. Je zappais frénétiquement au hasard des chaînes sans réellement regarder, quand soudain, je tombais de tout mon poids sur le sol.
BRÔÔM !
Je me redressais aussitôt, totalement happé par l’émission de télé. J’étais sur une chaîne financière. Durant mon demi-coma, j’avais entendu quelque chose de frappant. J’augmentais le son et soudain la révélation. Les chiffres que me susurrait Anne-so’ n’était que des cotations en bourse, ennoncées par le journaliste, avec la rapidité d'élocution du commentateur, d'une course de chevaux à Vincennes :
" CARREFOURASI passe à la corde avec 38,24, suivit de prêt par Société Générale du Pommeau qui grignote à 45,33, + 0,40 %, VINCI BISCUIT rattrape son retard à
36,77, tandis que VIVENDIDEAL du Gazeau prend la tête de la course..."
La suite de chiffre n’avait rien d’anodin. Je m’étais plus particulièrement intéressé à une cotation, essayant de retracer le prix ainsi que l’augmentation sur un site internet, mais rien ne correspondait sur les trois derniers mois. Ce n’est que le lendemain que je compris. Anne-sophie, durant son orgasme me donnait les cotations à venir avec une précision effrayante. Mieux que les chartistes, mieux que les « chandeliers japonais » mieux que les analystes financiers, Anne-Sophie était une valeur sûre de la finance et c’est sûrement pourquoi elle y était au sommet et bonne conseillère. Aussitôt inscris sur BOURSORAMA, je jetais dans l’arène financière toutes mes économies, normalement prévues pour les travaux dans mon appartement, et à ma grande surprise, les prédictions orgasmiques d’Anne-Sophie furent justes. A chaque orgasme, les plus-values tombaient. En assurant de bons « allés et retours » dans Anne-Sophie, elle me permettait de faire de bons « allés et retours » sur les marchés. Proprement hallucinant.
Vous comprenez maintenant comment j’ai fait pour rembourser le prêt de mon appartement et devenir très vite propriétaire.
Anne-sophie était totalement libérée et assumait même le pseudo qu’elle avait choisi. Elle considérait notre relation comme un sport, comme une discipline, comme d’autres vont au fitness, elle avait son coach personnel et intime. Sexe et argent ne font pas bon ménage, je vous disais page 7...
Je m’étais trompé de raisonnement.
Pendant les courts moment où nous nous voyons, nous ne parlions de rien d’autre. Elle, trop intéressée par prendre du plaisir, moi trop intéressé par l’évolution des indices boursiers. Finalement en amour, il n’y a que l’argent et le sexe qui compte.
Laissez tomber la dernière phrase...
C’est le genre de banalité dont on peut se passer.
Les pauvres baisent parce qu’ils n’ont pas d’argent à dépenser, les riches dépensent parce qu’ils ne savent pas prendre de plaisir autrement.
Mais il y a de cela quelques temps, Anne-sophie a traversé une crise...
Société générale du pommeau...
J'en rigole encore...
A plus !